Le conte
Oiseau
Arrive de l`Europe
“Ayant toutes les lumières de la ville on a peur d’admettre qu`on peut se retrouver sur une place sombre et mystérieuse que seules les étoiles permettent de connaître. Obéir à la solitude obéir à la volonté c`était ma peur et mon désir. Tout étant ville je demandais devenir désert. Je courrais avec le vent je passais l`espace de mers et de cieux, mes ailes coupaient l`infinité et je devenais l`horizon – dans mon esprit dans mon corps. ”
Le Maroc au-delà de la pensée Le Maroc au-delà du temps et du mouvement Le Maroc au-delà du langage il vient comme une image de musique qui dessine les traces de montagnes et de soleil. Le chemin de la flûte emmène dans le désert… Le corps se disperse en doigts yeux oreilles et on devient mille fois soi-même sans plus exister en l`union originaire. L`on entend la respiration des fleurs et des arbres et les voit danser en silence.
Ane
Habite le Maroc
“ Je connais pas de fins et de commencements. Je n`ai pas de connaissances mais des sentiments. Ma maison étant la terre sur laquelle j`erre je suis toujours là et je ne la quitterai jamais car il n`existe que là et on y est tous… Pourtant certains l`ignorent et s`imaginent la solitude et puis s`imaginent la mort et vivent leur imagination et meurent en imagination… Moi je n`ai pas de rêves. Etant naturel, tout est réalité.”
La poussière dans les pieds mille petits tremblements les yeux répètent les mêmes vues et s`endorment en elles la voix ou l`air chaud tombe en nuit. Un ombre qui cache la lune. Un oiseau arrive au Maroc.
(L`âne envers l`oiseau en français)
– Tu viens de loin?
– Oui, de l`Europe, c`était un long chemin.
– Ah oui, c`est toujours loin l`Europe quand on ne connait que l`Europe mais si tu y reviens un jour le Maroc restera tout proche de toi.
– Es-tu allé en Europe?
– Jamais.
– Comment tu peux savoir alors?
– C`est parce que je sens la terre sous mes pieds. Je sens quand elle est triste – elle devient tout fragile et si elle est irritée elle tremble, étant heureuse elle fleurit.
– Moi je connais le ciel. Je sais comment la terre réagit à ses humeurs – s`il est gêné la terre est triste et s`il est heureux la terre fleurit. Alors je connais aussi bien la terre que toi.
– Non. Moi je ne la connais pas. Je la sens. En connaissance nous pouvons facilement nous tromper si nous trouvons qu`il nous manque de connaissance. Le sentiment est déjà complet. L`esprit occidental est celui de l`inventeur et pourtant on ne trouve que de l`ignorance. Mais viens ! Je te ferai rencontrer quelqu`un qui connait la terre. Peut-être ce serait lui que tu comprendrais mieux.
– Qui?
– Un arbre marocain. Monte sur mon dos !
– Merci mais j`ai mes ailes.
– Ah laisse-toi aller en un autre esprit ! Ne refuse pas. Ma demande a sa raison que tu ignores. Mais ton ignorance ne doit pas retourner en méfiance, la confiance vaut mieux !
(En marocain)
– Bonsoir, l`arbre. Tu dors?
– Non, je t`en prie !
– Alors je peux te présenter mon nouvel ami? Il vient de l`Europe.
– Et croit traverser le monde?
– A peu près.
(L`âne envers l`oiseau en français)
– Voila c`est mon ami l`arbre. Il ne parle que très peu français. Mais cela n`a pas d`importance, je vais traduire.
(L`arbre en marocain; l`âne traduit)
– D`après moi ce serait mieux qu’on dort premièrement. On ne comprend ou on est qu`après avoir dormi. Le sommeil a le gout de l`endroit plus que l`image réelle et puis il est preuve de la dernière.
Viens te coucher dans mes branches, l`oiseau !
Au Maroc la nuit nous donne ce qui nous manque parfois dans la journée – le silence la vue claire et le ciel transparent de notre esprit. Elle nous propose des réponses de nos inquiétudes et de nos besoins si seulement nous avons la patience de les attendre. Le Maroc nocturne c`est la foi. A nous la religion.
Des sons fabuleux réveillent le jour des rayons jouent dans l`air qui commence progressivement à danser en harmonie avec eux et apparait tout un orchestre de nature qui rit et sourit.
Un oiseau qui chante…
“ mes yeux meurent devant l`harmonie
j`ai couru pour te trouver
et maintenant je m`abandonne
en laissant toute force tout espoir
car voila
la découverte n`est que la perte
de la raison
la nature étant folie ”
(L`arbre envers l`âne en marocain)
– De quoi il chante?
– Il découvre l`harmonie ses sens souffrant.
(L`arbre en marocain; l`âne traduit)
– Chaque être est né en nature double – celle du corps et celle de l`âme. Alors il apprend tout en lui donnant un double caractère – il sépare le bien du mal, la vie de la mort, le temps de l`espace… et quand il se retrouve confronté à l`harmonie il perd la raison car la raison c`est cette séparation et définition d`une unité d`ailleurs indéfinie. La réunion des natures lui portera tout et il n`aura plus rien, plus aucun vertu, plus aucune valeur. Car il trouvera le sens de la vie dans son absence.
– L`oiseau, tu n`auras plus tes yeux… Désormais seuls tes yeux ont toi.
– Je ne comprends pas…
– Tu ne vois pas ? Tu n`as plus aucun pouvoir. Tu es libre !
– Libre en appartient a mes yeux ?
– Moi j`appartiens à la terre. Je n`obéis à aucune force et je n`ai pas de faiblesse. Car la nature est au-delà. Au-delà de la recherche et de la perte au-delà du savoir et de l`ignorance. Si tu te sépares d`elle et veux exister en la surpassant tu arriveras toujours à utiliser des moyens dont elle a les contre moyens. Mais tes yeux t`ont emmené vers elle. En obéissant à eux tu obéis à elle et pourtant elle ne te forcera jamais, elle est indifférente. C`est à toi de voir la liberté :
Une musique de folie poursuit le tremblement de l`arbre dont les feuilles mortes tombent silencieusement par terre. L`écho du Maroc sombre dans le silence. On ne le voit plus. Reste le désert.
bordeaux, 2008